Sous le soleil
Les doigts de pied en éventail, les narines se bouchent à cause du Mistral qui fait virevolter les feuilles à l'autre bout du bureau. Le vent climatisé, bien sûr, puissance maximum pour soulager les grands phobiques du soleil (d'origine martiniquaise, le paradoxe est partout) de la chaleur tropicale qui règne au sous-sol. Un coup de néon est vite arrivé, les collègues se plongent dans l'écran total qui hypnotise de façon incroyable leurs yeux de merlans pas cuits. Je respire le bon air des diodes, le bruit des vagues de murmures médisants berce mon oreille qui se réjouit de la dernière virée d'Odette qui s'est acheté deux culottes pour se remettre de n'avoir pas pu manger la veille à midi, parce qu'elle avait oublié ses "chekrestho".
J'observe avec curiosité la spécialité locale: la fesse sédentarisée et capitonnée qui s'étale avec soulagement dans les fantastiques transats bureautiques. Ca donne faim. Heureusement, l'heure de la pause approche, et l'on peut voir différents flux converger: les flux les plus importants se dirigent vers le distributeur de boissons light pour cause de régime généralisé à cause de l'été (cette saison est une catastrophe, un fléau , je dirais même plus, une plaie d'Egypte, cela devrait être indemnisé), les flux secondaires sont composés des drogués de la photocopieuse, des cancanières parties à la pêche aux derniers potins, des patrons épanouis et heureux de vivre qui nous lancent Pierre (Pierre est le relou du bureau 256A, porte B52, à droite de l'ascenseur, après la troisième photocopieuse à gauche de la plante verte, entre les toilettes et le délégué syndical. On a pris le parti de nous le lancer, pour nous initier au monde du travail et nous faire connaître les déboires d'Astérix dans la maison qui rend fou, et pour soulager les employés du bureau 257B, qui en avaient marre de se le payer.)
La pauvre Juju se plaint encore et toujours, cette fois-ci elle s'est fait un lumbago en parlant trop vite (et trop aigu, à mon avis) au téléphone (ne cherchez pas, je n'ai toujours pas bien compris), et la chaise du patron est mieux, oui, merci Josiane de vous donner cette peine, merci mille fois, oui, je suis tellement mieux, tiens j'ai beaucoup moins mal, mais où sont encore passés mes dossiers, ahlàlà je ne remets jamais la main sur rien ici, et mon stylo qui ne marche plus, la totale loose aujourd'hui, je vais manger pour oublier, tiens. Elle fait mieux les chichis que les types à biscottos et rouflaquettes* qui paradent sur la plage.
Vivent les vacances!
*Devoirs de vacances: Dissertation: Qu'est-ce que la rouflaquette?