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Un rêve de papillon
3 juillet 2007

Crie "tique"!

Travailler dans un bureau, c'est être confronté aux bonnes femmes qui viennent du service voisin dandiner leurs fesses pour snober les autres bonnes femmes rondes et pas terribles, afin de causer de la dernière série à la mode de TF1, de déblatérer sur Mme Machin qui a glissé sur son tapis de douche et s'est fracturé le petit doigt de pied, bien fait pour cette conne, et des enfants qui ont eu une mention au bac, ont été acceptés dans de grandes écoles et rendent leur maman encore plus snob (les autres, dont les enfants passent le bac au rattrapage, déblatèreront sur la snob une fois celle-ci partie).
La photocopieuse est l'îlot stratégique que convoite chacune des parties intéressées; à la cafétéria, on pratique le libre-échange de déblatérage, et aux toilettes, les vieilles éteignent la lumière quand on est enfermé dans les cabinets. C'est cooool.
Bref, j'apprends qu'en fait, les jeux d'ordinateur ne sont que des versions moins chiantes destinées à préparer l'abrutissement des fonctionnaires. Un solitaire répété mille fois devient un emmerdeur.

Pour finir, le coup de gueule d'une lectrice:

J'ai lu un Bernard Werber suivi d'un Romain Gary. Je vous laisse imaginer la différence de niveau. Money money money, ça marche par trois, donc on fait des trilogies, avec des recettes recyclées dans lesquelles le suspens agit comme le sel des cacahouètes (et dans caca...houète, il y a houète) sur le lecteur qui lit des pages écrites au kilomètre, lorsqu'elles ne sont pas tout bonnement recopiées dans les encyclopédies et le dictionnaire des mythologies anciennes, enfin, recopiées, j'exagère, je devrais dire malaxées et prêtes à la digestion (on ne peut l'en blâmer, il faut bien cultiver les masses à la pâte culturelle lyophilisée: du médiocre oui, mais dernier cri et pédant)...
Bon, j'avoue, au début, ses idées m'ont plu. Maintenant, après plusieurs duplicatas à l'identique de ses rares idées originales, je suis lassée. Et puis j'ai du mal à supporter les préjugés conformistes sur la géopolitique actuelle, très maladroitement déguisés. Enfin, je suis méchante, pour un scientifique, il n'écrit pas mal du tout, et ses idées ont le mérite d'être originales (mais j'insiste: Monsieur Werber, l'original n'est pas duplicable à l'infini)...

En revanche, je me pourlèche de la délicatesse et du raffinement cruel jusqu'à la crudité de l'écriture d'un Gary... Je vous invite à déguster:

"Jamais je n'avais aimé avec un don aussi total de moi-même. Je ne me souvenais même plus de mes autres amours, peut-être parce que le bonheur est toujours un crime passionnel: il supprime tous les précédents. Chaque fois que nous étions unis ensemble dans le silence des grandes profondeurs qui laisse les mots à leurs travaux de surface et que, très loin, là-haut, les mille hameçons du quotidien flottent en vain avec leurs appâts de menus plaisirs, de devoirs et responsabilités, il se produisait une naissance du monde bien connue de tous ceux qui savent encore cette vérité que le plaisir réussit parfois si bien à nous faire oublier: vivre est une prière que seul l'amour d'une femme peut exaucer.
Que ce fût dans l'appartement de Laura au Plaza, ou chez moi, rue Mermoz, les objets les plus humbles devenaient des objets de culte. Les meubles, les lampes, les tableaux prenaient un sens secret et avaient acquis en quelques jours la patine des souvenirs. Il n'y avait plus de clichés, de banalité, d'usure: tout était pour la première fois. Tout le linge sale des mots d'amour que l'on a si peur de toucher, parce qu'il est couvert de taches suspectes que les mensonges y ont laissés, renouait ses liens avec le premier balbutiement, le premier aveu, le regard des mères et des chiens: les poèmes d'amour étaient bien là avant l'oeuvre des poètes. Il me semblait qu'avant notre rencontre ma vie ne fut qu'une succession d'esquisses, brouillons de femmes, brouillons de vie, brouillons de toi, Laura. Je n'avais connu que des préfaces."

R. Gary, Au delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable

Ce passage n'est pas choisi au hasard... Je laisse de côté les passages plus durs pour les oreilles sensibles, et j'invite les femmes à découvrir ce livre passionnant sur les secrets des hommes...

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Commentaires
L
Mon premier R. Gary, "la promesse de l'aube"... me fit rechercher ces fameux cornichons au gros sel. Le rayon exotique de ma grande surface m'apportera peut-être la solution à cette quête oubliée.
L
Hm, qui es-tu ? J'aimerais faire une rencontre avec quelqu'un comme toi ; mais conduite par le hasard, genre coup d'épaules dans une rue, pardon madame, regards qui tuent l'Amérique, et 2h30 dans un café qui pue à refaire le monde. Mais surtout sans faire attention à ce que je dis par crainte de ton acidité. Moi je suis sûr qu'il y a pas mal de miel là-dessous.<br /> Lolo-les-Bons-Tuyaux
M
Ravie que tu aimes Gary. Gary, il est dans mon top 5. Voui.
E
mais les hommes sont ils encore pleins de mystère pr ces dames?<br /> <br /> PS Très bo texte comme dab!!
C
Et puis les lectures, ça dépend aussi de l'esprit du moment : te serais-tu délectée de ce passage de la même manière si tu avais été seule, ivre de chagrin, sortie d'une histoire d'amour impossible?<br /> Le tout est de trouver la bonne adéquation ouvrage/moment de l'histoire personnelle ;-)
Un rêve de papillon
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